Blogger Widgets

Les Allemands sont-ils des fainéants?

Deux inconnues à la fête de la bière à Munich
Mi-juin, lors d'une réunion politique de son parti dans une petite ville allemande, la chancelière Angela Merkel déclarait: "il faudrait que dans des pays comme la Grèce, l'Espagne, le Portugal, on ne parte pas à la retraite plus tôt qu'en Allemagne, que tous fassent un peu les mêmes efforts, c'est important". Petite réunion, petite ville, petite  phrase, mais gros effet, pas seulement dans les trois premiers pays cités mais aussi chez ceux qui pourraient se sentir visés comme la France ou l'Italie. Solidarité latine oblige ou égo froissé.

Un tel affront pour la France ne pouvait pas rester sans réponse, mais comme Angela n'avait pas désigné nommément Paris, ni le président ni le gouvernement ne pouvait relever le gant, l'image du couple franco-allemand solidaire et moteur de l'Europe en aurait pris un sérieux coup mais pire, cela aurait laisser entendre que la France avait un problème avec son système de retraite alors qu'on venait juste de nous vendre une réforme douloureuse de l’assurance vieillesse qui doit assurer, selon ses auteurs, son financement pour les vingt ans à venir. C'est Patrick Artus, chef économiste de la banque Natixis, qui va faire le job de porte-flingue avec une étude comparative Allemagne vs pays latins & Grèce. Son employeur ayant bénéficié du plan de sauvetage des banques financé par l'état français, ce n'est qu'un juste retour d’ascenseur.


Une étude qui additionne les carottes et les poireaux

Si vous avez lu la presse, vous connaissez peut-être déjà les conclusions de ce rapport: les Allemands bossent moins et leur avantage compétitif s'explique par un plus grand effort d’innovation, un taux d’épargne plus élevé et par une meilleure qualification de leur main-d’œuvre (seulement vis-à-vis du Portugal et de l'Italie). En somme pour Natexis, raconte Madame Merkel raconte du flan et ne voit pas les vrais problèmes.

Pour démonter les propos de madame Merkel l'étude compare l'Allemagne et les 5 plus importants pays de l'Europe du Sud membres de la zone euro: France, Italie, Espagne, Portugal et la Grèce, en comparant en autre; le temps de travail sur la vie et sur l'année ainsi que la qualité de la main d’œuvre. L'étude est un peu bâclée, les chiffres sur lesquels Natixis appuie son raisonnement sont repris "brut de décoffrage", sans nuance, non corrigés des spécificités économiques et sociales propres à chaque pays.

...la durée annuelle du travail est beaucoup plus faible en Allemagne...

Artus nous apprend que les Grecs travaillent en moyenne 52% plus longtemps que nos amis Teutons en reprenant un tableau de l'OCDE (1.390 heures pour les Allemands contre 2.119 pour les Grècs). Le problème est que ce tableau inclut le temps de travail des professions indépendantes, dont l'évaluation est très suggestive; comment évaluer le temps de travail dans une bijouterie familiale de Santorin ouverte de 9h00 à 22H00 mais entrecoupé de sieste, d'un petit tour à la plage, d'un repas qui s'éternise, et d’incessants aller-retour pour aller prendre un café?). Si on ne prend en compte que les travailleurs salariés, les Grecs ne travaillent plus que 36% de plus. C'est déjà beaucoup je vous l'accorde, mais l'étude "oublie" de tenir compte du travail à temps partiel qui est beaucoup plus développé dans le Nord de l'Europe, il atteint 26,1% en Allemagne contre 6% en Grèce, 17,3% en France, 14,3% en Italie et 11,6% en Espagne en 2009 (source: Fondation de Dublin) et que l'OCDE ne pondèrent pas dans ses statistique. Grosso modo l'écart de temps de travail annualisé doit être équivalent dans les six pays étudiés contrairement à ce qu'affirme de manière péremptoire l'étude de Natixis.

...si l’âge légal de la retraite est tardif en Allemagne (65 ans et dans le futur 67 ans), l’âge effectif moyen de départ à la retraite est le même en Allemagne qu’en Espagne, au Portugal ou en Grèce.

Bien qu'il y ait de fortes disparités entre pays en ce qui concerne l'âge légal de départ à la retraite (jusqu'à 5 années de différence) Patrick Artus souligne, à juste titre, que l'âge réel auxquels les travailleurs partent est quasi égale (60 ans pour les Français qui partent le plus tôt et 62,6 pour les Portugais). N'en tirant aucune conclusion l'auteur nous pousse donc à en déduire que les travailleurs travaillent le même nombre d'année au cours de leur vie. Il "oublie" simplement de préciser que le chômage étant plus élevé dans les pays du sud de l'Europe (et particulièrement celui touchant les jeunes) et que ce phénomène n'étant pas nouveau, il est bien évident qu'un Espagnol ou un Portugais entre en moyenne plus tard sur le marché de l'emploi et/ou qu'il connait en moyenne des périodes de chômage plus longues. Donc en soldant sa retraite à 60 ans le salarié ibérique n'a pas cotisé aussi longtemps que son camarade allemand (si on peut les appeler encore camarade). Deuxième petit crochet à la vérité, ce n'est pas l'âge légal de départ à la retraite qui est tardif en Allemagne mais c'est le français qui est tardif puisque tous les autres pays étudiés sont à 65 ans.

...la proportion d’allemands avec une éducation supérieure n’est pas plus forte qu’en France, en Espagne ou en Grèce...

Très juste remarque de M. Artus. Un peu dommage d'ailleurs qu'il ne s'interroge pas sur l'aspect singulier de cette situation. L’Allemagne avec des industries de haute technologie et des prix Nobel à foison  qui produisant moins de hauts diplômés que la Grèce pays des olives et de la moussaka! 
En fait cette étude part d'un postulat partiellement vrai mais qu'il convient de nuancer; plus une population a de hauts diplômes et  plus le pays est prospère. D'abord les systèmes éducatifs des différents pays ne se valent pas, la Grèce, on le sait très bien, a des universités d'un niveau lamentable, ce qui fait d'ailleurs la petite fortune de ceux qui donnent des cours particuliers. Selon le classement de Shanghaï les 100 meilleurs  universités au monde ne compte aucun établissement grec, italien ou Portugais contre trois français et cinq allemands.
Par ailleurs, dans le cas de l'Espagne et dans une moindre mesure celui de la France, on connait l'inadéquation entre la formation des jeunes et la demande des entreprises. Cette situation perdure au nom du droit pour chaque étudiant de suivre les études qu'il désire et du refus de voir le secteur privé "dicter" ses choix au monde éducatif. Le système allemand d'apprentissage n'a pas l'ambition de former "les élites que le monde entier nous envie" mais de trouver un débouché professionel aux jeunes allemands. 7,9% des Allemands de moins de 25 ans sont au chômage contre plus de 44,4% en Espagne, on peut dire que l'objectif est atteint. 

"Se payer" l'Allemagne c'est très tendance

Les propos de la chancelières allemande doivent être replacés dans leur contexte: une réunion politique où il faut bien faire plaisir à ceux qui ont fait la courtoisie de se déplacer pour se faire caresser dans le sens du poil.  Ces déclarations sont maladroites, imprégnées de préjugés racistes, inélégantes, certes, mais il y a un fond de vérité, face à la crise de la dette, la Grèce, l'Espagne ou le Portugal n'ont que deux options, faire faillite ou travailler plus.
Les équipes de recherche économique de la banque Natexis ne sortent pas grandit avec cette étude qui manque sérieusement de rigueur intellectuelle et même de simple bon sens; comment les allemands peuvent-ils être moins qualifiés que les Grecs et innover plus?

Il faut croire que l'objectif premier de cette étude était de se faire de la pub en "se payant" le chef du gouvernement de la plus grande puissance économique du continent européen et du seul pays qui sort renforcé par la crise que nous vivons. Objectif atteint puisque leur étude a été reprise par tous les grands journaux français sans aucune critique.

4 commentaires:

  1. En quoi les paroles de la chancelière telles que rapportées ici sont-elles imprégnées d'un quelconque "préjugé raciste" ??? Au-delà des critères discutés, il est patent que l'Allemagne est un locomotive qui traîne des wagons de plombs, et compréhensible que nos voisins s'interrogent sur la responsabilité des latins dans le gouffre creusé entre les économies européennes solidaires de fait aujourd'hui

    RépondreSupprimer
  2. Le racisme c'est penser qu'une race (ou un peuple) est supérieur à un autre. Si les Européens du Nord sont plus bosseurs que les Européens du sud, c'est bien que les premiers sont supérieurs aux seconds. C'est donc du racisme, bien sur ce n'est pas un racisme méchant (du type "il faut les exterminer") mais c'est du racisme.

    Sinon c'est vrai que l'Allemagne est une locomotive mais le problème c'est qu'elle ne veut plus trainer de wagon.

    RépondreSupprimer
  3. Qu'est ce que c'est que ces histoires ?
    Qu'est ce que c'est que ces conventions bidons ?
    D'abord Monsieur Natixis se trompe.
    La France n'est pas au Sud mais à l'Ouest.
    Et ensuite, pour quelle raison il y aurait une "solidarité latine" ?
    Qu'est ce que c'est que cette usine à gaz culturelle ?
    La France n'est pas "latine" quoiqu'en racontent les idées reçues sur le sujet !
    C'est un pays de l'Europe de l'Ouest avec la culture qui va avec. C'est à dire un peu de tout, une petite Europe à elle seule. Nord, Sud, Ouest, Centre, tout y est ! L'un des rares à abriter une telle diversité.
    Et c'est précisément cette diversité qu'il faut mettre en avant et pas une "latinité" de convention qui répond plus à des intérêts géo-politiques, géo-stratégiques et religieux qu'à une réalité culturelle.
    C'est cette ouverture culturelle qui fait son intérêt, son intelligence, sa richesse et pas un culturo-centrisme "latinophile".

    RépondreSupprimer
  4. La France est un pays latin puisque la langue qui y est parlé est une langue latine. Si tu compares un même texte traduit en Allemand, Norvégien, Français, Italien, tu constateras qu'il y a beaucoup plus de points communs entre la langue de Dante et de molières qu'entre celle de Goethe et d'Ibsen.

    RépondreSupprimer

Votre commentaire sera publié après modération.

blogger